10 février 2023

Enceintes, elles montent le son !

 

C’est un article très intéressant publié dans Le Figaro la semaine dernière qui m’a donné l’idée de ce billet dans lequel je vous propose de nous intéresser… aux soins pour les femmes enceintes. Un sujet qui ne me concerne évidemment pas à titre personnel (« j’ai été un homme enceint » a déjà été pris dans Secret Story, inutile que je m’énerve du coup sur ce projet pour le retour parait-il imminent de l’émission). Je me garderai donc bien de vous donner mon avis personnel sur l’efficacité de telle ou telle crème anti-vergetures (et encore que certains hommes en surpoids peuvent aussi en avoir, on en parle jamais). Je voulais plutôt qu’on s’intéresse ensemble, et d'un point de vue purement marketing pour le coup, à la mutation qui s’opère doucement mais sûrement en matière de soins pour les futures mamans. Si jamais vous avez été vous-même enceinte récemment ou bien si vous avez simplement cherché un petit cadeau pour une amie / sœur / collègue… de votre entourage qui attendait un Gremlins, alors peut-être êtes-vous justement tombé.e sur l’une de ces jeunes marques récemment arrivée sur ce marché et dont j'avais envie de causer ce matin.

Avant d’en parler plus en détails, je vous propose un petit saut dans le passé ! Rembobinons ensemble (je pense aux très jeunes qui tomberaient sur ce billet et qui, n’ayant jamais vu de leur vie une cassette audio ou vidéo, n’ont sans doute absolument aucune idée de ce que veut bien dire « rembobiner ») pour remonter à une vingtaine d’années environ. A l’époque, l’offre pour les futures mamans est plus que succincte, et essentiellement concentrée en pharmacie, ce qui fait plutôt sens puisque c’est un réseau que fréquente régulièrement une femme enceinte et c’est donc malin de « l’attaquer » ici. Du pain-béni pour la poignée de marques en place parmi lesquelles on pourrait par exemple citer Lierac, Elancyl, Mustela… A noter qu’à l’époque, ces dernières proposent vraiment une toute petite poignée de produits et que ces derniers sont quasiment exclusivement centrés sur un seul crédo : la prévention et/ou la correction des vergetures. On est vraiment dans une approche « un problème = 1 solution », avec un discours assez froid qui parle d’efficacité, de technicité… ce qui en soit n’est pas du tout un problème, c’est souvent ça aussi la cosmétique et aujourd’hui encore chez bien des marques et sur bien des sujets (rides, rougeurs, cellulite... peu importe).

Quoi qu’il en soit, c’est alors un marché trèèèèèèès ronronnant où il se passe à peu près autant de choses intéressantes que dans un épisode de la nouvelle saison de You (c'est longuet ou c'est moi ?). On a l’impression que tout le monde s’en fout, un peu comme de la sortie du dernier album de Wejdene. En 2012 / 2013 de mémoire, deux lancements successifs vont bousculer un peu tout ça. Je commence par celui qui a vraiment fait un buzz dingue à l’époque : l'incontournable Bi-Oil. Je peux me tromper mais finalement, je pense que c’est alors la première fois qu’une marque se lance et communique exclusivement sur l'expertise du soin anti-vergetures, et angle du coup toute sa communication sur cette promesse, ce qui forcément leur permet de marquer bien plus fortement les esprits que des marques généralistes pour qui la référence vergetures est un produit parmi tant d'autres dans leur catalogue. La marque est très futée car elle arrive en France en ayant déjà fait le buzz à l’étranger (donc avec une certaine légitimité), parvient à se positionner comme un produit plus efficace / expert que les autres et surtout, surtout, surtout, plus naturel, un argument qu’aucune marque de pharmacie n’avait encore utilisé. Il faut recontextualiser : le bio / green / clean beauty n’est alors pas du tout développé comme c’est le cas aujourd’hui, donc forcément c’est une promesse qui attire le chaland. C’est d’autant plus marrant que si on regarde vraiment les choses et qu’on décrypte la formule du produit, il n’est en fait pas du tout si naturel qu’il cherche à le faire croire (je n’en suis pas certain mais je crois que le produit a depuis été reformulé et est beaucoup plus clean). Bref, c’est un énorme carton et il s’en vend littéralement des camions (et toujours en pharmacie, la marque s'appuyant alors sur le réseau historique du marché).

 


Même si son succès est forcément bien plus modeste que cette machine de guerre, c’est à peu près à la même période que se lance la marque française de cosmétiques Omum, entièrement consacrée aux futures mamans, ce qui est vraiment novateur pour l’époque (Bi-Oil n'est qu'un mono-produit). Ce n’est pas la seule révolution que la marque va enclencher car l’un de ses points de différenciation majeur, c’est de proposer un discours complètement différent. Oui, on parle de vergetures, mais pas du tout avec la même tonalité, on a cette fois toute une dimension émotionnelle / sensorielle qui met en avant la création d’un lien privilégié entre la future maman et son bébé, l’importance du massage, le pouvoir des odeurs sur les émotions, le travail sur des textures sources de plaisir… Je connais bien la marque car j’avais réalisé son lancement presse à l’époque et c’est vrai qu’elle faisait résonner sa petite musique, en musclant aussi très fortement son approche sur la naturalité. Ses formules sont alors certifiées Nature & Progrès, l’un des plus exigeants labels en matière de cosmétiques bio, et les packagings sont éco-conçus, en aluminium notamment. La marque cherche alors à se développer essentiellement en réseaux bio (un marché en essor sur cette décennie), sachant que la vente sur internet reste alors encore assez marginale (et la communication sur les réseaux sociaux aussi, il n’y a alors guère que Facebook qui existe, c'est fou quand y pense car ce n'est fondamentalement pas si vieux).

Cela ouvre d’une certaine manière la voie à d’autre marques qui vont rapidement s’engouffrer dans cette tendance émergente. Je pense par exemple à Téane ou à Daylily, qui développent aussi un discours sur des produits clean, safe et agréables à utiliser, toujours en opposition face aux soins conventionnels. Je trouve que Daylily a fait plusieurs choses pertinentes qui je pense ont contribué à son succès. Elle a d’abord réussi à créer des vrais espaces de dialogues entre futures mamans (notamment sur les réseaux sociaux où elle compte par exemple aujourd’hui près de 3 fois plus de followers que Omum) puis a rapidement étoffé son catalogue produits. De 4 références au départ, elle en compte aujourd’hui plus d’une vingtaine avec des choses assez originales comme ce masque en tissu apaisant géant qu’on fait poser sur le ventre rebondi (celui d’une femme enceinte hein, pas celui que vous avez parce que vous avez un peu trop forcé sur la raclette !). Autre bonne intuition de l’équipe de la marque, le fait d’assez rapidement sortir sur du seul cadre de la femme enceinte, en axant son discours et son offre produit sur la jeune maman, puis tout simplement la femme en quête de produits clean. C’est bien vu car cela leur permet d’ouvrir très considérablement leur vivier potentiel de clientes potentielles.

Indispensable car laissez-moi vous dire que pour ma part, si je devais lancer un jour une marque de cosmétiques, je ne suis pas certain du touuuuuuut que je me serai attaqué au marché de la future maman. Je sais bien que c’est souvent pertinent de se concentrer sur un marché de niche et pas forcément un ciblé par les marques mainstream aux moyens financiers XXL qu'on aura du mal à challenger sur leur terrain, mais je trouve ça quand même assez audacieux de se focuser sur un marché où dans l’absolu, vous devez sans cesse conquérir de nouvelles clientes. Dans l’absolu, elles vont commencer à vous utiliser au bout de leur deuxième mois de grossesse et peut-être jusqu’à un ou deux mois après leur accouchement, ce qui veut dire malgré tout qu’au bout d’un an, il y a quand même de grandes chances qu’elles vous abandonnent pour retrouver leurs soins habituels. Puis il y a aussi la réalité de la natalité en France qui est quand même en baisse structurelle. Certes, on reste je crois le pays européen avec le plus grand nombre d’enfants par femme (1,8) mais on a quand même  100 000 naissances de moins en 10 ans (on est passé de 821 000  à 723 000). 

 


Mais mon analyse personnelle n’est sans doute pas la bonne car depuis quelques temps, force est de constater que les nouvelles marques qui se lancent sont légion. Celle que je trouve la mieux marketée, c’est forcément Talm dont vous avez peut-être entendu parler ? Ses packagings minimalistes et modernes sont résolument dans l’air du temps, ce n’est pas forcément extrêmement original mais c’est extrêmement bien abouti / exécuté et surtout très différenciant sur le marché de la future maman où l’on n’avait jamais trop vu en France ce genre de proposition trendy. Je pense que de base, personne n'est très enthousiasmé par la perspective de s'enduire d'huile anti-vergetures mais là, le produit est si bien fichu qu'il transforme cette contrainte en moment de plaisir. Le positionnement prix est clairement premium (près de 40 euros pour chacun des deux produits spécifiques anti-vergetures), ce qui explique d’ailleurs la distribution de la marque dans ses circuits plutôt sélectifs comme le fantastique Oh My Cream ou bien encore les Galeries Lafayette. J’imagine que Talm, qui a vraiment les codes de la marque très digitalisée, mise aussi beaucoup sur les ventes sur le digital mais en ce moment, avec les coûts d’acquisition - ce qu’une marque dépense pour attirer un client sur son site et le faire potentiellement craquer pour un de ses produits - en hausse considérable, c’est un pari pas si évident. Pour l'instant, la marque est assez jeune et son catalogue très restreint mais cela va sûrement bouger rapidement car l'une des forces de toutes ces marques ayant dépoussiéré le marché de la femme enceinte, c'est qu'elles proposent de multiples produits pouvant être utiles à la future maman, et pas uniquement un soin anti-vergetures. Du déodorant, une crème solaire, un gel jambes lourdes, des soins contre le masque de grossesse, des infusions, des soins spécifiques pour les cheveux... il y a de tout.

L’article du Figaro m’a également fait découvrir de nouvelles marques que je ne connaissais pas spécialement mais que j’ai trouvé assez intéressantes. Il y a par exemple Kenko qui propose des parfums spécifiquement pensés pour ne pas heurter l’odorat délicat de la femme enceinte (et aux formules safe pour qu’elle puisse les porter en toute sérénité), ce qui est vraiment la niche dans la niche. Il y a aussi Ynée qui est plutôt pas mal fichue aussi, même si manquant peut-être un peu d'une identité très marquée, c'est joli mais un peu froid. On pourrait aussi parler, même si cela concerne plus la diététique que la beauté pure et dure, de la marque Jolly Mama que je trouve vraiment dans l'air du temps et d'autant plus que les compléments alimentaires sont vraiment dans l'air du temps.

Ce qui est intéressant avec ces marques, c’est qu’elles bousculent aussi les codes dans la manière d’aborder la thématique de la naturalité et de la maternité. Là où on aurait pu imaginer des discours assez gnangan (ça fait des années que je n’avais pas utilisé ce mot !) et donnant à voir une version assez idéalisée de la grossesse, c’est tout autre chose. Que cela soit sur leur site ou sur leurs réseaux sociaux, on parle beaucoup plus crument des vraies choses de la grossesse, et y compris des moins plaisantes / glamour. La parole se libère, les futures mamans se livrent, partagent leurs galères, leurs doutes, leurs craintes… ce qui j’imagine peut être assez déculpabilisant lorsqu’on est une femme à une étape charnière de sa vie où son corps est en pleine métamorphose, avec tout ce que cela implique aussi d’un point de vue émotionnel ou physiologique. Cette tendance n’est pas sans rappeler ce qu’on observe depuis 2 / 3 ans sur le créneau de la ménopause qui est presque devenue un sujet trendy maintenant. J’ai été par exemple assez interpellé (dans le bons sens du terme) par la page Instagram de Omum où l’on peut voir des vergetures (alors que dans les pubs sur les produits vergetures de pharmacie, on ne voit que des ventres parfaitement lisses) ou bien encore des culottes tâchées de sang. Il y a discours assez militant de tous les côtés, reste à savoir si c’est ensuite si c'est par réelle conviction ou par opportunisme sociétal.

Bref, tout ça pour vous dire qu’à mon avis, il va falloir surveiller ce marché dans les proches années à venir car mon petit doigt me dit qu'il n’a pas encore totalement fini sa transformation. Est-ce que les grands acteurs classiques du marché de la vergeture sauront faire évoluer leur discours et leur plateforme de marque pour ne pas se laisser déborder par des jeunes start-ups ? Doivent-elles le faire sous leur marque propre ou bien essayer d'incuber de nouveaux projets avec lune identité singulière (ce n'est généralement pas leur fort mais sait-on jamais). Si on part  du principe que les mamans d’aujourd’hui sont des femmes qui ont grosso modo entre 25 et 40 ans (ou entre 15 ans et demi et 19 dans le Nord Pas de Calais !), et qu’on peut donc imaginer très connectée, est-ce que les marques misant beaucoup sur le digital vont continuer de prospérer significativement au point de faire de l'ombre aux autres ? Oui, je sais, je me pose beaucoup de questions existentielles dans la vie mais que voulez-vous, on ne me refera pas ! A celles parmi vous qui ont déjà eu des enfants, que cela ait été il y a 2 ans ou bien 20, aviez-vous acheté des produits spécifiques pour la grossesse ou simplement utilisé de l'huile végétale pure par exemple ? Vous vous souvenez de quelle marque c'était, et surtout de ce qui vous avait poussé à opter pour cette dernière ? 

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