5 avril 2023

Travaux en cours, prière de ne pas dé'rogé !


Si je vous parle d'un célèbre Roger qui a pris sa retraite bien méritée l'année dernière, sans doute pensez-vous spontanément au tennisman suisse Federer et vous auriez tout à fait raison même si pour ma part, c'est un autre que j'avais en tête. Pas un Roger d'ailleurs, mais un Rogé que vous avez sans doute toutes et tous eu l'occasion de croiser un jour dans votre salle de bains, celle de vos parents, celle de vos grands-parents ou même celle de vos arrières grands-parents puisqu'il s'agit d'une marque qui va célébrer ses 100 ans l'année prochaine, j'ai nommé Rogé Cavaillès. Non pas que la marque aie disparu, bien au contraire mais désormais, elle ne s'appelle plus Rogé Cavaillès (qui pour info et parce que c'est ce à quoi on pense assez spontanément n'a pas été créée par un mec qui s'appelait Rogé Cavaillès mais par deux personnes, Monsieur Rogé et Monsieur Cavaillès) mais uniquement Cavaillès (tant pis pour Monsieur Rogé du coup, qui passe un peu à l'as). 

C'est peut-être un détail pour vous (allez, tous ensemble, "mais pour moi ça veut dire beaucoup") mais vous conviendrez tout de même qu'une marque qui change son nom, on ne voit pas ça tous les jours, c'est un peu le truc le plus crazy que peut faire une entreprise pour se repositionner / moderniser son image. J'ai pu échanger avec Antoine Troegeler, le Directeur Marketing de Rogé Cavaillès (comme vous et au regard de telles aptitudes pour l'investigation, je ne comprends même pas pourquoi Elise Lucet ne m'a pas encore contacté pour rejoindre son crew) qui m'expliquait que 1) c'était quelque chose qui se mettait en place naturellement depuis plusieurs années déjà, la place du mot Rogé diminuait peu à peu sur les étiquettes et que 2) c'est finalement une initiative que prennent pas mal de licences qui ont dans leur nom un prénom un peu old school. Pas faux lorsqu'on y pense, et qui se souvient qu'il y a encore 20 ans, on ne disait pas Saint-Laurent mais Yves Saint-Laurent, ou bien encore qu'on ne parlait pas d'un parfum Dior mais d'une fragrance Christian Dior...

Évidemment, ce changement de matricule s'accompagne de mille autres initiatives car sinon, ça n'aurait pas changé grand chose à son destin et ses produits ne m'auraient pas semblé particulièrement plus attirants. J'ai regardé d'ailleurs dans les archives de cette Planète et savez-vous combien de fois je vous ai parlé de Rogé Cavaillès en 834 billets : jamais. Zéro. Nada. Peanuts. Tout simplement parce que dans mon esprit, c'était uniquement des soins d'hygiène intime (la marque a quand même spécifiquement communiqué sur cette expertise pendant looooongtemps) qui n'avaient pas grand chose d'intéressant à raconter et sur lesquels il ne me serait pas forcément venue l'idée de me pencher. Pour le dire plus simplement, ça me faisait autant envie que la perspective d'aller m'infliger un spectacle de Christel Cholet pendant 1h30, c'est à dire pas le moins du monde. 

Mais là, le fait que la marque ait tout revu de fond en comble, à savoir son identité visuelle, ses formules, son positionnement... fait que ce rebranding un peu extrême me semble être un peu un cas d'école et c'est ce dont le féru de marketing que je suis voulais vous parler aujourd'hui. Pour cela, je vous propose qu'on imagine un peu ensemble comment ils en sont arrivé là en vous glissant dans la peau d'un des membres de l'équipe marketing de feu Rogé Cavaillès. Pour vous aider à prendre toute l'ampleur du rôle (Pierre Niney me consulte souvent pour avoir des conseils et préparer au mieux ses films), on a qu'à dire que nous sommes en 2021 et que vous vous appelez Sylvie, vous êtes assistante marketing chez Bolton Group depuis 12 ans déjà, avez deux ados de 15 et 8 ans (Matthieu et Hugo), vivez à Vincennes dans une petite maison de ville très mignonne où vous avez même planté quelques fleurs (pardon, je m'arrête, on va trop loin dans les détails là !)... Allez, allez, on rentre en réunion, c'est parti !


LA SITUATION DE DÉPART


OK, ce n'est pas la catastrophe mais quand même, on détecte des signaux pas forcément rassurants. On constate par exemple que la moyenne d'âge de notre clientèle va plutôt en vieillissant considérablement. On est clairement sur du 40 ans et plus, voire même du 50 et plus. En soit, très bien mais si on n'opère pas rapidement un petit virage, cette moyenne va continuer à être de plus en plus âgée et on pourrait se retrouver en difficulté. On le sait, une marque qui n'évolue pas est amenée à disparaitre alors il convient d'opérer un mouvement, et cela d'autant plus qu'on ne répond pas franchement aux enjeux de l'époque. On est certes connu (95% de taux de notoriété, ça aide) et nos produits sont réputés efficaces (on a une véritable expertise dermo, personne ne pourra venir le contredire) mais les formules commencent à dater un peu, ce qui explique qu'elles ne soient pas totalement en phase avec les préceptes de la clean beauty en vogue depuis une dizaine d'années. En clair et pour le dire plus franchement : on ne passe pas forcément le test sur Yuka et cela peut rebuter de plus en plus en de consommatrices qui sont vigilantes sur ce point. Puis à force de nous concentrer sur l'hygiène intime dans notre communication, les gens ont un peu oublié qu'on avait une véritable expertise sur bien d'autres catégories, on doit défendre nos positions et mieux le faire savoir. 

 

 

Côté éco-conception, là aussi, on s'est indéniablement un peu fait challenger et on a clairement une grosse marge de progression notamment sur le côté recyclé / recyclable de nos flacons (surtout que ce sont des formats généreux en plastique blanc qui peuvent accentuer ce côté "gros producteur de plastique"). Si on est honnête avec nous-mêmes, on est devenu peu à peu une marque fonctionnelle et au territoire pas très bien défini : oui, on nous achète encore parce qu'on propose des produits de qualité et qui répondent notamment aux besoins spécifiques des peaux délicates, mais on n'est clairement pas une marque plaisir, pas un achat opéré pour une quelconque dimension sensorielle ni même un achat qu'on fait pour des convictions d'ordre écologique. Même sur l'hygiène intime ou les déodorants, on se fait cornériser par une foule de start-up qui se lancent avec des codes visuels assez cool ou un ton plus moderne, il faut qu'on opère une transition en s'appuyant sur nos forces. On doit valoriser notre expertise plus que distinctive (un siècle d'existence, excusez du peu), capitaliser sur notre promesse "surgras" et même aller encore plus loin car elle commence à devenir plus commune maintenant et émerger davantage sur des segments porteurs mais sur lesquels on a encore des marges de progression, comme la douche par exemple. Bref, il y a un du pain sur la planche et les journées s'annoncent longues et denses. Relou en plus car le RER A déconne à plein tubes en fin de journée depuis quelques temps (vous avez déjà oublié que vous êtes Sylvie et que vous vivez à Vincennes ? Mais concentrez-vous punaise !).


LES AJUSTEMENTS APPORTÉS

Vous voyez en déco la différence entre le home-staging et la rénovation ? Comment ça non, mais vous ne regardez donc pas les programmes de Stéphane Plaza ?! Moi non plus si ça peut vous rassurer (j'adore l'immobilier pourtant mais c'est à dire que ça fait 20 ans que c'est la même émission donc bon...)  mais toujours est-il qu'ici, le dossier Rogé Cavaillès était un vrai chantier comme on en voit peu en beauté. On n'a pas juste collé deux rustines et ripoliné vite fait un mur pour donner l'illusion du neuf, non, non, on a tout explosé pour reconstruire. On va dire qu'on a préservé les murs porteurs (les valeurs de la marque) mais qu'ensuite, on a tout refait à neuf, en commençant par une ligne de Bain Douche, un produit un peu universel et plus propice pour initier une "opération séduction" que la simple hygiène intime dont on aimerait quand même s'émanciper un peu. Je vous colle des photos de l'avant / après mais vous conviendrez qu'on se projette quand même beaucouuuuuuuup plus facilement dans la seconde version que dans l'originale. Enfin, moi en tout cas, je préfère nettement.

Déjà, la nouvelle couleur de packaging change totalement la perception qu'on a de la marque. Fini le côté blanc très froid, on a un beige couleur peau beaucoup plus attractif (je suis sûr que c'était une idée de Sylvie ça, c'est la couleur qu'elle a choisi pour sa salle de bains !) tout en évoquant toujours une certaine neutralité pour faire comprendre aux épidermes délicats qu'on va bien prendre soin d'eux. La forme des bouteilles évolue aussi, on est dans quelque chose de plus rond, plus subtil. La typographie utilisée sur les étiquettes suit le même mood, c'est à la fois plus raffiné et ça a clairement plus de caractère. On a un côté élégant avec une touche vintage qui illustre parfaitement le côté intemporel de la marque.

Un bandeau de couleur a été préservé pour rappeler les codes couleurs de la version précédente, histoire d'aider les clientes à retrouver leur produit préféré et ne pas trop les déboussoler, c'est subtil mais bien vu car rappelons à toutes fins utiles que nos clientes sont un peu âgées et qu'il convient de les accompagner en douceur. Bref, c'est juste beaucoup plus joli et attrayant, ce qui est d'autant plus appréciable que cette fois, c'est pensé sous le prisme de la durabilité avec des contenants 100% en plastique recyclé et recyblable. Un gros pas en avant d'autant plus salutaire qu'on décide de lancer en parallèle des recharges en  format doypack permettant une économie encore plus concrète du plastique consommé. De ce point de vue là, on reprend une nette avance sur tous nos petits camarades de jeu évoluant comme nous en pharmacie.

Côté argument marketing, on garde certaines choses de la V1 (les mentions "Peaux Sensibles" et "Sans savon" jouent les prolongations par exemple) mais on voit par ailleurs que l'argument "surgras" est un peu moins poussé, ce n'est plus en tout cas le claim majeur du produit. En revanche, on a deux fois la mention "régénère" et "régénérant" (qui n'aurait pas envie de régénérer sa peau ?!), ce qui fait écho à nos nouvelles formules car cette refonte est globale et a grandement mis à contribution les équipes de la R&D. A la clé, des formules plus végétales, excluant quelques ingrédients pointés du doigt ces dernières années et qui pouvaient faire baisser l'appréciation des applications de notations cosmétiques. On va même jusqu'à proposer deux références bio, s'appuyant sur des ingrédients dermo très reconnus du grand public (Macadamia et Aloe Vera) car il y a une clientèle en quête de produits certifiés et qu'on doit pouvoir s'adresser à elle. Pour les avoir sniffé en magasin, je trouve en plus que les produits semblent beaucoup plus sensoriels (celui à la figue donne très envie par exemple), c'est clairement quelque chose qu'on pourrait acheter par pur plaisir, un peu comme un Cadum en GMS. Sans grande surprise, l'accueil est excellent et les ventes explosent (+50% par exemple en l'occurrence sur la catégorie Bain Douche d'après ce que me disait la marque). Clairement, Sylvie va pouvoir demander une augmentation lors de son prochain entretien d'évaluation car elle a sacrément bien taffé !

 

 ET DEMAIN ? 

 

Depuis quelques mois, l'ancienne identité visuelle et la nouvelle cohabitaient en rayons, ce qui n'était pas forcément évident pour avoir une belle unité et exprimer clairement le nouvel ADN de la marque. Désormais, les savons, les déodorants, les gels douche... ont aussi basculé sous cette nouvelle identité, ce qui commence à donner une jolie cohérence à l'ensemble. D'ici quelques semaines, tout sera normalement harmonisé et à priori, la marque est tranquille pour un petit bout de temps maintenant. Est-ce que pour autant Sylvie va pouvoir relâcher un peu l'effort dans les mois à venir ? J'ai bien peur pour elle que non car franchement, avec cette identité visuelle, je trouve que le champ des possibles devient bien plus large pour Cavaillès. Franchement, on pourrait imaginer plein d'autres choses à partir de cette plateforme de marque intégrant à la fois la peau, la famille, la sensorialité et la planète, je verrai bien par exemple pour ma part des crèmes pour les mains, des soins pour les pieds, une ligne spécifique pour les bébés et pourquoi pas même du skincare, ça ne serait pas déconnant. Bref, je trouve cette refonte très réussie et c'est bien pour ça que je voulais les mettre à l'honneur aujourd'hui à ma modeste mesure ! Qu'en pensez-vous vous ? Que vous soyez spécialiste de la beauté avec un œil forcément éclairé sur le sujet ou simple consommateur, est-ce que vous trouvez comme moi que la marque est bien plus désirable ainsi ? Est-ce que ça vous donne envie de la (re)découvrir lors de votre prochain passage à la pharmacie ?

10 commentaires:

  1. Anonyme6/4/23

    "l'original" ma madeleine de Proust... Reacheté cet hiver en new pack retro, vintage... Canon

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    1. Une valeur sûre, et le fait qu'une consommatrice historique de la marque apprécie la refonte de packaging et aime toujours autant son "produit chouchou", c'est forcément bon signe pour eux ! Moi je ne l'ai jamais essayé mais il faudrait un jour, ne serait-ce que pour ma culture beauté !

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  2. Giséle8/4/23

    Beaucoup de marques ont supprimé le prénom : me vient à l’ esprit Degrenne, Rubinstein, Gatineau ( mais cette marque existe t elle encore?) ...
    Je n’ai jamais été tentée par les produits Rogé Cavailles, je n’ ai pas la moindre idée du pourquoi. J’ irais faire un tour dans ce rayon à ma prochaine visite à la pharmacie, pour voir les changements de contenants.

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    1. Bonne question pour Gatineau, cela fait une éternité que je n'ai plus entendu parler d'eux. Jeanne Piaubert, Matis, Simone Mahler... c'est vrai que certaines des anciennes marques d'institut sortent un peu des radars et se vont de plus en plus discrètes. Sur Gatineau (c'était René son petit nom, c'est bien ça ?!), il y a l'air d'avoir un site internet mais en anglais; bizarre.

      Bien vu pour Degrenne et Rubinstein, c'est vrai, je n'y avais pas pensé !

      Tu me diras ce que tu en penses quand tu verras les produits en vrai !

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    2. Giséle11/4/23

      Non, Teddy, Gatineau c’ était Jeanne😉. Tu me remets en mémoire ces marques qui en effet ont l’ air d’avoie disparu, j’ en rajoute une : Jean d’ Estrees, l’ orthographe ne doit pas être le bon.

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  3. Giséle8/4/23

    Je m’imaginais que la marque Roc était un dérivé de Roger Cavaillés: le ro de Roger et le C de Cavaillés. Ai je rêvé ?

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    1. Alors là, tu m'en apprends une énorme ! Ce serait trop dingue comme anecdote. Je vais me renseigner et cela me fait d'ailleurs penser à une rubrique que je voulais faire sur l'origine des noms de marque (il y a des histoires inattendues parfois), je vais ressortir cela de mon placard !

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    2. Giséle11/4/23

      C’est peut-être un hasard et le fruit de mon imagination.

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  4. Anonyme11/4/23

    Moi j'aime beaucoup! Un peu dans la même veine que le relooking de Embryolisse : De la modernité, de l'élégance avec je ne sais quoi de rétro qui rassure et qui laisse en écho la longue histoire de la marque...
    Pour moi Cavailles c'est aussi l'huile de douche et le deo pour les aisselles sensibles...
    Jackie

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    1. Oui, c'est vrai pour le parallèle avec Embryolisse, il y a certains points communs en effet. Eux en plus ont vraiment réussi à surfer sur la tendance des "produits préférés des make-up artists", ce qui est très malin aussi !

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